Homélie de la messe chrismale
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Homélie de la messe chrismale

DiocèseLes mots de l'évêque

Publié le 11 avril 2020

Cathédrale Saint-Étienne de Limoges – 7 avril 2020

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’Onction ». Deux fois, nous avons entendu cette phrase : au livre d’Isaïe, dont elle est issue. Et dans l’Évangile, où Jésus la reprend. 

« L’Esprit du Seigneur est sur moi ». Qui donc est ce « moi » qui parle  ?  J’en propose trois, trois qui sont susceptibles de reprendre cette phrase à leur compte.

– Le premier, c’est le prophète Isaïe. Je laisse de côté les considérations exégétiques sur l’auteur de ce passage, mais je souligne seulement qu’il écrit au retour de l’exil à Babylone. 

Sans faire de raccourci trop facile, on pourrait dire que tout le peuple d’Israël, après 60 ans d’exil, vit alors un genre de « déconfinement ». Il est autorisé à retrouver sa terre, à s’y rassembler pour rendre un culte à Dieu. D’où cette ambiance d’allégresse : Le prophète met « l’huile de joie au lieu du deuil, un habit de fête au lieu d’un esprit abattu ». 

Les conditions de notre messe chrismale, ressemblent à un genre d’exil. L’exil, normalement, c’est loin de chez nous. Mais finalement, notre véritable « chez nous », c’est le lieu de la rencontre, de la relation, de la communion. La véritable demeure des catholiques, c’est l’église où nous devrions être rassemblés. « J’habiterai la maison du Seigneur tous les jours de ma vie » (Ps 22). Notre confinement est bien une sorte d’exil. Mais l’exil n’est pas définitif. Nous habiterons la maison du Seigneur, l’esprit abattu revêtira un habit de fête ! Dieu nous le promet. 

– Le deuxième qui dit « l’Esprit du Seigneur est sur moi », c’est Jésus, qui s’approprie la parole d’Isaïe. Nous sommes au début de sa vie publique. Lors de son baptême par Jean, le Ciel s’est ouvert, l’Esprit est descendu sur lui, Jésus est « consacré par l’onction ».

L’onction d’huile, dans l’Ancien Testament, signifie que Dieu se saisit d’un homme pour lui communiquer quelque chose de son autorité, en vue d’une mission de Prêtre, de Prophète ou de Roi. Celui qui a reçu l’onction s’appelle Messiah, en hébreu, qui sera traduit par Christos en grec. 

Peu à peu avait émergé en Israël la figure d’un Roi-Messie, qui réaliserait définitivement le Règne de Dieu sur la terre. Jésus a reçu l’onction, il est Christ, Messie. Il vient réaliser le Règne de Dieu. Mais non pas, selon une vue trop humaine, un Règne qui serait concurrent de celui de César. Ni un Règne qui serait définitivement établi ici-bas. « Ici-bas » n’est pas le dernier mot. « Mon Royaume n’est pas de ce monde », dit Jésus lors de son procès. 

Dans le Royaume de Dieu, inauguré ici-bas par Jésus, les pauvres sont destinataires de la Bonne Nouvelle, les captifs et les opprimés sont libérés, les aveugles voient… Il ne s’agit pas de promesses électorales, mais des promesses de Dieu. Dieu tient toujours ses promesses. Toute la vie de Jésus montre la réalisation de ces promesses.

En accueillant Jésus, ne nous trompons pas de Messie. Il n’est pas venu répondre à nos besoins pressants, à nos attentes immédiates. Il est venu nous introduire dans le Royaume de Dieu, dans la vraie Patrie, en dehors de laquelle nous sommes toujours en exil.

– Enfin, le troisième qui peut dire : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction », c’est nous, qui portons ce nom magnifique de chrétiens, qui signifie que nous somme « oints », nous avons reçu l’onction d’huile au jour de notre baptême et de notre confirmation et pouvons dire en vérité « L’Esprit du Seigneur est sur moi ». 

Mais l’Esprit du Seigneur ne nous est pas donné pour réaliser autre chose que ce qu’il a réalisé en Jésus : Il nous est donné pour que nous portions la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncions aux captifs la libération, aux aveugles qu’ils verront… 

Pour vous aider dans cette mission, Dieu en a mis à part quelques-uns, évêques, prêtres, diacres. Ils n’ont pas simplement reçu une charge, comme on en a besoin dans toute société organisée. Ils ont reçu un sacrement, le sacrement de l’Ordre, dans lequel leur est donné ce qui dépasse leurs pauvres capacités humaines : selon les degrés du sacrement, ils peuvent agir au nom du Seigneur, baptiser, rendre présent son Corps dans l’Eucharistie, pardonner les péchés. Évêques, prêtres, diacres, nous ne le sommes pas pour nous. Nous le sommes pour vous, pour que vous puissiez être disciples-missionnaires.

C’est pourquoi, en ce jour de messe chrismale, chacun de nous peut dire, avec une modalité particulière : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction ». Avec le Saint Chrême, l’huile que je vais consacrer dans un instant, j’aurai la joie d’oindre bientôt les mains d’Emmanuel qui sera ordonné prêtre, j’aurai la joie d’oindre le front de tous les jeunes et adultes qui recevront bientôt la confirmation. Avec cette huile, prêtre et diacres marqueront le front des baptisés. Dans les paroisses, seront distribuées l’huile des malades, l’huile des catéchumènes, pour soulager les peines, relever, soutenir.

Frères et sœurs, au sein de notre humanité désemparée, désorientée, stoppée brutalement dans son élan orgueilleux par cette épidémie qui vous confine dans vos maisons, nous entendons ce matin, Dieu, fidèle à ses promesses, nous dire que l’huile de bénédiction, le don de Son Esprit ne manquent pas. Dans la force de l’Esprit, Jésus nous invite à chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, tout le reste nous sera donné par surcroît ! N’ayez pas peur !

Amen

† Pierre-Antoine Bozo

Évêque de Limoges