Homélie du Vendredi Saint
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Homélie du Vendredi Saint

DiocèseLes mots de l'évêque

Publié le 11 avril 2020

Cathédrale Saint-Étienne de Limoges – 10 avril 2020

Même depuis vos maisons, vous mesurez que cette liturgie est empreinte d’une extrême gravité, comme aucune autre dans l’année. C’est qu’il se joue dans l’heure que nous commémorons un événement décisif pour l’histoire de l’humanité et de chacun de nous. Si nous aurions surtout besoin en ce moment de réconfort et de joie, il ne nous faut pas esquiver cette heure de la Passion. Le récit en est long, parce qu’il compte beaucoup d’acteurs. 

– Il y a les soldats qui viennent arrêter Jésus sans se poser de question : ils font le job. Ils gagnent leur vie. Ils en rajoutent juste au passage dans la cruauté gratuite.

– Il y a les grands prêtres et les pharisiens, trop enfermés dans leurs règlements pour accueillir le Messie qu’Israël attend, pour faire place à sa sainteté et à sa nouveauté. Ils sont prêts à la pire hypocrisie pour se débarrasser de Jésus : « nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur ». 

– Il y a les badauds, les curieux qui se repaissent de ce spectacle. 

– Il y a Pierre qui sort avec bravoure son épée pour défendre Jésus mais un peu plus tard, à trois reprises, feint de ne pas le connaître.

– Il y a Pilate qui cherche la vérité, mais jusqu’à un certain point seulement et finit par livrer celui en qui il ne trouve pas de motif de condamnation, par stratégie, par peur. 

– Il y a Anne le grand-prêtre, qui ne veut pas d’histoire et renvoie Jésus chez Caïphe, qui lui-même le renverra chez Pilate. 

– Il y a la foule versatile qui l’a acclamé lors de son entrée triomphale à Jérusalem et qui maintenant le conspue et demande qu’on relâche un bandit prénommé Barabbas, ce qui signifie « fils du Père », plutôt que Jésus, le Fils unique du Père des Cieux. 

– Il y a tous ceux qui s’éloignent sur la pointe des pieds, parce que le vent tourne. 

– il y a les disciples qui s’enfuient…

– Il y a Joseph d’Arimathie, fidèle mais prudent, par peur des juifs…

Toutes les formes et tous les degrés du mal qui habite le cœur humain se rassemblent dans ce procès et se coalisent, comme à leur insu, pour faire mourir celui qui n’a jamais commis le mal. Nous sommes nous-mêmes de cette foule. Nous y changeons de place, tour à tour lâches ou courageux, déserteurs ou fidèles.

Face au mal qui déferle sans cesse dans l’histoire, est définitivement planté le grand signe de la Croix. « Stat Crux dum volvitur Orbis », selon la devise des chartreux, la croix demeure tandis que le monde tourne. Au pied de la Croix, se tiennent aussi Marie et Jean et quelques autres femmes admirables, qui espèrent contre toute Espérance ; qui ont perçu avec les yeux de la foi que la Croix n’était pas un échec, mais déjà une victoire.

Elle demeure la seule force capable d’endiguer le fléau du péché. Elle est notre fierté et notre indépassable modèle. Car elle répond au mal par un moyen qui n’appartient pas au mal. Elle répond au mal par l’amour, un amour pleinement humain et pleinement divin. Voilà pourquoi nous voulons ce soir en cette cathédrale ou dans nos maisons, vénérer la Croix, vénérer Jésus sur la Croix, voilà pourquoi nous voulons, plus que jamais, être ses disciples.

Amen

† Pierre-Antoine Bozo

Évêque de Limoges