Quand la cathédrale accueille les « poils à gratter » de l‘Eglise.
Ils sont venus, ils sont tous là, ou presque, sur ce parvis de la cathédrale St Étienne de Limoges en ce dimanche 6 octobre. Quoi de mieux pour des diacres et leurs épouses de se retrouver sous la tutelle spirituelle d’un des sept ordonnés par les apôtres pour le service des tables, des veuves et des orphelins. Chacun sait qu’Etienne* subira la lapidation, sous les yeux approbateurs de Saul, le futur St Paul, pour avoir annoncé la Bonne Nouvelle. Comment quoi les chemins de la conversion à l’Amour demeurent contradictoire, complexes et ne nous appartiennent pas.
La diversité de la Vie dans l’Eglise.
Si les diacres d’aujourd’hui, avec leur épouse, risquent nettement moins de vivre le martyr en France voire en Europe, il n’en demeure pas moins que leurs missions de partager la Parole, de servir la liturgie et de vivre la charité au milieu et avec les plus modestes -au sens de l’émancipation spirituelle et temporelle- les met dans une lumière contrastée au sein de leurs milieux professionnels, familiaux et d’engagements profane et ecclésial. Ils représentent, par leur ordination, la diversité de la vie dans l’Eglise.
Lors de la très belle célébration, Monseigneur Pierre Antoine Bozo, dans son homélie, a su rappeler l’esprit du diaconat impulsé par les Pères du concile œcuménique Vatican II, puis par les évêques qui en ont défini les contours pour l’Église de France. Le père évêque a souligné l’importance de la diversité des diacres pour la richesse de l’Eglise. Ces derniers peuvent déranger, être, dixit « des poils à gratter » en Eglise et à travers leur engagement dans la société. Leurs missions demeurent très diverses. Elles vont de la sensibilisation pour l’adoration du Saint sacrement, à des responsabilités au sein d’associations caritatives en passant par le monde ouvrier et le monde populaire, etc. Cette pluralité permet l’unité dans la diversité de l’Église.
Comme les pères conciliaires, il tient à citer l’avertissement de Saint Polycarpe aux diacres, à savoir : « Être miséricordieux, zélés, à marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous », soit deux des onze lignes restaurant le diaconat permanent.
Le diaconat se veut aussi un choix concret pris dans le discernement de chaque évêque dans leur diocèse. Ainsi, pour le diocèse de Limoges, les premiers diacres seront ordonnés en 1976 par Monseigneur Gufflet, soit 12 ans après la constitution de Lumen Gentium* *. Ses successeurs suivront ses traces et ordonneront eux aussi nombre de diacres avec l’accord de leur épouse, pour ceux vivant le sacrement du mariage. Depuis son arrivée à la tête du diocèse, Mgr P.A.Bozo a, pour l’instant, ordonné huit hommes mariés. Huit hommes aux encrages très divers mais, comme leurs autres frères diacres, l’Evangile chevillée au corps et ce au service des plus petits.
Le diaconat dans la joie et l’humour
Être diacre, c’est se retrouver dans toutes les dimensions de la vie. Et la vie ordinaire, malgré les contextes de crises, de guerres, ne se veut pas obligatoirement triste. Elle se veut aussi sur les traces de Jésus joyeuse et parfois humoristique.
Ainsi, quoi de plus interpellant que de les voir, avec certaines épouses, en tablier, dans une course de serveurs plateau à la main sur lequel se trouve une Bible en équilibre. Certains individus pourraient s’arrêter à une dimension ridicule voire scandaleuse de cette gesticulation. Pourtant la symbolique se veut forte. Comme tout croyant pris dans la course de la vie, la foi des diacres peut vaciller à cause de telle ou telle situation humaine, de telle injustice flagrante, de cette dissonance cognitive de plus en plus grande dans nos sociétés, et parfois au sein de l’Église, entre le dire et le faire. Pourtant ce vacillement que représente cette Bible en équilibre reste une richesse. Sans lui pas de relecture, pas d’approfondissement de la Parole, pas de discernement de la présence du Christ avec et au milieu de son peuple. Le vacillement se trouve être la dynamique en interaction entre la vie en général et la vie spirituelle en particulier.
L’autre dynamique constructive se voulait l’image de ce gâteau d’anniversaire élaboré grâce une vingtaine de « pavés» gourmands. Les participants.es ont ainsi voulu symboliser, par cette approche pâtissière, le fait que chacun.e apporte sa pierre à cet édifice du diaconat en perpétuelle évolution. Diaconat devenu, petit à petit, une de ces pierres d’angle nécessaires à la construction permanente et complexe de cette Eglise Corps du Christ et Peuple de Dieu. Une approche qui permet l’écho de l’adresse de St Paul aux Corinthiens (1 Co 13, 13).1 « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. »
Des stands égayant l’après-midi ont permis d’échanger avec de nombreux passants sur ce parvis de la Cathédrale St Etienne soulignant ainsi que les vingt-huit diacres permanents du diocèse demeurent, quoi qu’il en coûte, ces ministres du seuil et des périphéries.
Jean Philippe Tizon.
Diacre permanent diocèses de Limoges.
* Acte des Apôtres chap 6 « Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge.En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. »Ces propos plurent à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un converti au judaïsme, originaire d’Antioche. On les présenta aux Apôtres, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains »
** Il y a 60 ans, les pères de l’ Eglise réunis en Concile restauraient le diaconat permanent après plus d’un millénaire et demi d’absence. C’est un retour aux sources. En effet, l’Église primitive accueillait en son sein diacres et diaconesses. Certains diacres assumaient alors des fonctions importantes dans l’institution ecclésiale en cours de consolidation.. Puis, petit à petit, la fonction disparaîtra et avec lui son apport transversal et original.
Voici les onze lignes de Lumen Gentium (29) (sur un total de huit chapitres et 69 points) qui bouleversera avec le décret sur l’apostolat des laïcs « Apostolicum actuositatem » et d’autres textes l’Église institution.
« un degré inférieur de la hiérarchie se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains « non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère [110] ». La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le Peuple de Dieu dans la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium. Selon les dispositions à prendre par l’autorité qualifiée, il appartient aux diacres d’administrer solennellement le baptême, de conserver et de distribuer l’Eucharistie, d’assister, au nom de l’Église, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Écriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. Consacrés aux offices de charité et d’administration, les diacres ont à se souvenir de l’avertissement de saint Polycarpe : « Être miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous [111]. »