Quelle place pour les religions dans la société française ?
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Quelle place pour les religions dans la société française ?

Dialogue interreligieuxDiocèse
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Publié le 15 février 2021

En quelques décennies, la France est devenue un pays à la fois « sécularisé » et « multireligieux ».

Sa tradition première était d’être organisée autour d’un fait majoritaire catholique qui s’imposait à l’ensemble de la société. Sous l’Ancien Régime, l’Eglise catholique était religion de l’Etat et la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV montre bien sa résistance à toute concurrence.
Le Concordat de 1801 signé entre Bonaparte et Pie VII reconnaissait le catholicisme comme religion de  la majorité des Français et a étendu la prise en charge des ministres du culte aux protestants calvinistes et luthériens. En 1808, la communauté israélite obtenait la création d’un Consistoire national.

La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905 détache l’Etat de tout culte existant.

« L’Etat ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »

Loi de 1905

Mais au nom de la « liberté de conscience », cette loi de séparation commence par garantir le « libre exercice des cultes ». Tout citoyen peut se référer au culte de son choix à condition de respecter les lois de la République. Catholiques, protestants et juifs vont se situer différemment par rapport à cette loi et ce sont les catholiques qui mettront le plus de temps à l’accepter.

C’est le régime de laïcité de l’Etat qui est d’une certaine façon unique en Europe et dans le monde entier et donc souvent mal compris et interprété comme un système hostile aux religions.

Dans l’Histoire

Les guerres mondiales, l’expansion puis la disparition des empires coloniaux, les mouvements migratoires qui font partie depuis toujours de la vie du monde ont au fil des années transformé ce paysage bien organisé et ouvert notre pays à de nouvelles influences venues du Maghreb musulman ou des religions de l’Asie.

Après la Deuxième Guerre mondiale, la France va conserver une des plus importantes communautés juives dans le monde. Les Eglises catholique et protestantes vont se rapprocher dans le cadre du mouvement œcuménique. Le renouveau charismatique venu du pentecôtisme américain atteindra des composantes des deux traditions sans pour qu’une unité visible paraisse réalisable.

Mais c’est l’implantation progressive de l’Islam qui est le fait marquant des dernières décennies. Immigration de travail, regroupement familial, migrations de populations musulmanes venues d’Afrique subsaharienne ou du Proche-Orient font naître des communautés souvent encore liées à leur pays d’origine et qui souhaitent avoir une place reconnue dans la société française avec des lieux de culte et des œuvres caritatives ou sociales.

La loi de 1905 n’avait pu le prévoir…

Aujourd’hui, l’islam est devenu la deuxième religion en nombre de fidèles. Il est difficile d’en fixer le chiffre puisque les recensements en France ne retiennent pas l’appartenance religieuse. L’Observatoire de la Laïcité propose en 2019 une estimation d’environ quatre millions de musulmans mais d’autres critères permettent de l’élargir. Dans le diocèse de Limoges, on peut arriver à un chiffre de 15000 musulmans (soit 3% de la population).

Il est donc naturel que l’Etat se préoccupe d’établir une relation stable avec cette religion mais les essais nombreux depuis Jean-Pierre Chevènement n’ont pas encore abouti en raison de la grande fragmentation actuelle du monde musulman. Les Eglises chrétiennes et des communautés juives vivent des expériences nombreuses de dialogue et de travail commun au service de la solidarité et de la paix sociale.

La place des religions et traditions spirituelles venues d’Asie (en particulier le bouddhisme tibétain) est beaucoup plus floue mais a une influence réelle dans certains milieux qui s’éloignent des religions instituées pour des pratiques plus personnelles.

Ce qu’il ne faut pas oublier quand on s’intéresse à la place des religions en France, c’est la proportion de plus en plus importante des « sans-religion ». En 2019, 34 % des français se déclarent « sans religion ».

Nouveau paradoxe : au moment où la place des religions dans l’espace public et dans la conscience de la population tend à diminuer, des groupes y « résistent » par une affirmation identitaire retrouvée.  Le sociologue Philippe Portier le résume ainsi : « une partie de la population, croissante, s’éloigne du religieux, quand l’autre au contraire réactive ses appartenances ».

Ces deux pôles s’influençant mutuellement, prouvent, si besoin, le caractère dynamique et complexe du paysage religieux français.

Père Xavier Durand

Novembre2020